DOCTEUR TENDRESSE

Philippe Rezzonico

Le Journal de Montréal

18-11-2007 | 05h00

Au bout du fil, Daniel Lavoie précise qu’il a déjà avalé 400 kilomètres sur les routes de France au moment de notre entretien, décalage horaire oblige. Mercredi, l’artiste n’était toutefois pas victime des multiples grèves rotatives qui ont quelque peu handicapé sa tournée européenne.

«Présentement, on va directement Metz pour donner notre dernier spectacle au lieu de retourner à Paris, dit Lavoie, qui se produisait à Meaux mardi soir. Sinon, on va se retrouver pris dans les bouchons monstres qui paralysent la ville.»

Cette semaine, tous les syndicats français ont amorcé des mouvements de grève monstres pour protester contre la réforme des régimes spéciaux de retraite voulue par le président Nicolas Sarkozy. Les cheminots ont donné le ton mardi, étant rejoints mercredi par les conducteurs de métro parisiens, les gaziers et les électriciens. Le gros bordel…

Cette grève qui couve depuis des mois avait eu droit à quelques répétitions générales en France le mois dernier. Présent en Europe depuis le début d’octobre, Daniel Lavoie en avait fait les frais lors de sa résidence à Paris, à la mi-octobre

«Ça nous a causé pas mal de problèmes lors de notre série d’une semaine à L’Européen, dit-il. Nous avons eu de très bonnes critiques et un très gros buzz lors des premières représentations, en début de semaine. On avait donc des salles combles pour les représentations du jeudi, du vendredi et du samedi.»

Le hic, c’est que les premiers coups de force ont eu lieu cette semaine-là, culminant avec la première journée de grève nationale, le samedi 18 octobre.

«On en a ressenti les effets. Le jeudi, ça a été, mais nous avons eu beaucoup d’annulations pour les représentations de vendredi et de samedi. Les gens qui vivent en périphérie de Paris ne pouvaient tout simplement pas entrer en ville durant cette fin de semaine. Mais ça fait partie de la job quand tu te produis en France (rires)».

SPECTACLE À NU

Au final, Lavoie aura offert 16 prestations en six semaines de Docteur Tendresse, Lavoie et son piano, spectacle qui aura droit à sept représentations chez nous, la première étant donnée ce soir à Magog. Il offre un trio de spectacles à L’Espace Dell’Arte de Montréal dès mercredi.

Les fans de Lavoie l’ont déjà vu en formation réduite au cours des ans, mais ça fait un bail qu’il n’a pas renoué avec le concept de mise à nu du récital piano-voix.

«La dernière fois que j’ai fait une performance exclusivement en mode piano- voix, c’était quand je faisais des premières parties, en 1977. Et à en juger par les réactions que cette tournée provoque, je risque de demeurer dans ce format durant quelques années.»

L’envie de revenir à une formule intimiste trottait dans la tête de l’artiste, d’autant plus que c’est ce qui le marquait le plus quand il allait voir ses collègues.

«Ces dernières années, j’ai été voir pas mal de gens qui avaient adopté la formule intimiste ou qui présentaient une portion de leur spectacle comme ça. Et j’ai réalisé qu’à chaque fois, c’était ce que j’aimais le plus de ces spectacles. Oui, ça demande une préparation plus intense et énormément de concentration sur scène. J’ai travaillé durant près de huit mois afin de revisiter 40 chansons, histoire d’avoir une autre façon de les aborder sur scène. Ce qui est bien, c’est qu’on ne voit plus de différence entre les chansons d’y il a 20 ou 30 ans et les plus récentes dans cette formule. Il y a une réelle homogénéité.»

LA SURVIE EN France

Alors qu’une foule d’artistes québécois vont de plus en plus régulièrement en France, Lavoie estime que la percée n’est pas facile pour les plus jeunes.

«J’ai vu les efforts d’un Pierre Lapointe ou d’une Ariane Moffatt, mais il y a une différence entre faire parler de toi et percer de façon significative. Le public français est plus ouvert que jamais, mais dans les médias, c’est une autre histoire.»

Lavoie estime que sa notoriété lui sert bien en France, mais qu’elle a ses limites.

«J’ai eu un succès monstre avec Ils s’aiment et Notre Dame de Paris a été très efficace sur le plan de la notoriété. Il y une forme de respect ici pour les artistes qui ont réussi quelque chose. Par contre, Notre Dame m’a catalogué variétés et ici, on catalogue facilement. J’estime que j’ai fait de la chanson bien avant d’avoir fait des variétés, mais quand tu regardes les carrières de Bécaud ou de Renaud, tu réalises qu’ils sont demeurés dans leur moule et qu’on ne leur a pas donné la liberté de changer.»

Daniel Lavoie sera en spectacle à l’Espace Dell’Arte du 21 au 23 novembre et du 29 novembre au décembre au Théâtre Petit Champlain, de Québec.